Lycée de Milhaud - classe de 2g6

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Correction Texte 4, RUTEBEUF

 

Correction :

 

 

texte 4 : RUTEBEUF, Leçon sur hypocrisie et humilité

(p.72 de votre manuel de français)

Dénoncer la corruption du pouvoir :

 

 

 

 

1- Pourquoi y a-t-il des guillemets à plusieurs reprises dans le texte ? Comment expliquez-vous cela ? Qui parle dans ce poème ?

 

Les guillemets signalent la présence d’un dialogue. Le poète s’exprime à la 1ère personne du singulier (« m’eut bien parlé », « je demandai ») et retranscrit les paroles prononcées par quelqu’un d’autre car les verbes de parole sont aux temps du passé : « eut bien parlé », « je demandai », « il me répondit ». Cette personne s’adresse à lui directement : « ne croyez pas que… ». Grâce au paratexte, nous comprenons que cette personne est le futur pape Urbain IV, qu’il a rencontré en rêve. Il s’agit donc d’un dialogue fictif, et les paroles entre guillemets sont imaginaires.

 

 

 

2- Relevez les mots appartenant au champ lexical des qualités et des vices et classez-les eu deux catégories. Regardez comment ils sont écrits : que constatez-vous ? A quelle figure de style cela fait-il penser ?

 

Vices vertus
        Avarice (2x)         foi
        Convoitise l'arrogante (2x)  
        mensonge  
        Vaine Gloire  
        Hypocrisie (2x)  

 

 

On constate que les vices sont bien plus nombreux que les vertus. La seule évoquée l’est d’ailleurs de façon dévalorisante, puisqu’elle est associée au verbe « dégénère ». Les vices en revanche sont énumérés dans une accumulation à la fin de l’extrait, leur donnant encore plus de présence.

 

Les vices sont écrits avec une majuscule alors que ce sont normalement des noms communs, et privés de leur déterminant. Ils sont donc traités comme des noms propres.

Le changement de catégorie grammaticale s’appelle antonomase (déjà vu en début d’année). Mais le fait de présenter une notion abstraite sous la forme d’une personne relève de la figure de rhétorique de l’allégorie.

 

En effet, ces vices sont sujets de verbes d’action et associés à des traits humains (« Convoitise l’arrogante » ; « Avarice règne sur cette cour », « elle y est née »… « comptent bien y régner », « chacun pense l’avoir »… On trouve même des éléments de personnification : « sa cousine germaine », « les prétendants »

Les vices sont donc les personnages principaux de ce discours.

 

 

 

3- Quel portrait du Vatican et de l’Eglise le poète dresse-t-il ici ? Justifiez votre réponse.

 

Mais à travers ces vices, il y a en quelque sorte généralisation, car c’est une façon de dire que toutes les personnes de cette cour sont habitées par ces valeurs dégradantes.

 

Cette cour ainsi désignée est celle du Vatican, dont le chef, le Pape, est au XIIIème siècle plus puissant que les rois à qui il commande. C’est pourquoi à la fin Rutebeuf dit que « la terre reste sans héritier ». En effet, à la mort d’un Pape, les Cardinaux se réunissent et restent enfermés dans le Vatican jusqu’à ce qu’ils aient réussi à désigner un successeur parmi les présents.

 

Or le Vatican est supposé être le cœur de l’Eglise, dont le champ lexical est présent : « la Sainte Eglise », « la foi », « bon chrétien », mais peu abondant en comparaison de celui du pouvoir : « règne », « appartiennent », « le haut du pavé », « conduisent et dirigent », « royaume », « empire », « empereur », « roi », « seigneur », « aspirent au pouvoir », « régner », « avoir ».

 

Cette puissance est renforcée par des hyperboles, telles que celle du vers 10 : « dirigent / complètement toute la cour ». L’adjectif toute est renforcé par l’adverbe qui le précède et crée un effet d’insistance. Mais aussi par des constructions syntaxiques particulières :

« Mais les prétendants sont nombreux / qui aspirent au pouvoir » : la proposition subordonnée relative est repoussée après l’attribut du sujet ; ainsi, les prétendants sont au début du vers, le pouvoir à la fin du suivant. Ce sont deux positions privilégiées qui font ressortir les mots-clés. Ici, cela permet en outre de suggérer qu’entre les  prétendants et le pouvoir, il y a un très long chemin à parcourir…

 

Cette cour semble en proie au désordre : l’absence de dirigeant est clairement mise en relief, et la cité semble la proie des manipulateurs qui s’emparent d’une fausse autorité. L’Avarice se distingue en ce qu’une part importante du texte lui est accordée. Rutebeuf affirme que c’est l’Eglise qui a fait naître l’Avarice et la Cupidité. L’argent occupe donc une place importante, là où on attendrait la spiritualité. Or un vers au milieu de l’extrait se distingue par sa brièveté : c’est le vers 13. Un vers de 4 syllabes, mais qui contient deux mots du champ lexical de l’argent : « la Sainte Eglise / le paie très cher ». Le verbe payer est toutefois à prendre à la fois au sens propre et au sens figuré : plus loin, le sujet « bon chrétien » a pour attribut du sujet « hypocrite pharisien ». La transformation de l’un en l’autre est attribuée à cette Avarice.

 

 

L’image qu’il donne du Vatican est donc celle d’un royaume corrompu, qui a perdu de vue sa raison d’être et qui s’est tournée vers des intérêts personnels, l’argent et le pouvoir. La conclusion qu’en tire Rutebeuf est catégorique, et il l’exprime au vers 18 par une négation très forte : « ces gens où il n’y a rien de bon ». On peut facilement imaginer que son texte a fortement dérangé, voire choqué ses contemporains, car sa critique n’est guère voilée. Elle est au contraire polémique et virulente. A ce titre, on peut le considérer comme l’un des tous premiers poètes engagés en langue française.

 


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20/04/2022
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