Lycée de Milhaud - classe de 2g6

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Correction du Texte 5 - J. DU BELLAY, Les Regrets

 

 

 

Texte 5 : Joachim DU BELLAY, Les Regrets, « Si je monte au Palais » p.73

 

 

 

CORRECTION

 

 

 

  1. En vous appuyant sur la synthèse que vous trouverez aux pages 104-105 de votre manuel, observez la forme de ce poème. Que pouvez-vous dire de sa composition et de ses rimes ?

 

Il s’agit d’un sonnet : deux quatrains suivis de deux tercets (4-4-3-3) ; ses vers sont des alexandrins (vers de 12 syllabes). Il est constitué d’une unique phrase. Les rimes sont les mêmes dans les quatrains : « -eil » et « -nie », disposées de façon embrassée (abba) puisque la rime a « embrasse » (c’est-à-dire entoure) la rime b. Les tercets sont construits sur trois nouvelles rimes : « -ive », qui sont suivies, puis « -reux » et « -euve », disposées de façon embrassée également. C’est l’une des caractéristiques du sonnet : cinq rimes disposées ainsi :

 

abba  abba  ccd  eed               ou bien            abba  abba  ccd  ede

 

Pour voir plus en détail les règles du sonnet, vous pouvez consulter cette page  )

 

 

Rome luxe pape

 

 

 

  1. Quelle anaphore martèle le poème à chaque début de strophe ? Pourquoi à votre avis ? Quel est le thème abordé dans chacune ?

 

 

Chaque strophe commence par la conjonction de subordination « si » qui introduit une proposition subordonnée conjonctive circonstancielle de condition. Mais du point de vue du sens, il est très proche d’un indicateur de temps et il faut le comprendre comme « chaque fois que », ou « lorsque ». Il introduit un verbe de déplacement à la première personne : « si je monte », « si je descends », « Si je vais plus avant », « Si je passe plus outre […] et entre »

 

Il est toujours associé à la proposition principale « je trouve ». Le COD de ce verbe, dans chaque strophe, présente un quartier de la ville de Rome ; à chaque quartier correspond un vice. Strophe 1 : le Palais (c’est-à-dire le Vatican) et l’orgueil ; strophe 2 : les quartiers financiers, les banques et la cupidité ; strophe 3 : plus loin dans la ville, la prostitution ; enfin, les quartiers antiques et leurs ruines.

 

Cette anaphore permet donc de dresser un tableau de la ville de Rome, tout en suivant la promenade de Du Bellay dans ses rues.

 

Rome - le prêteur et sa femme

 

 

 

  1. Quelle image donne-t-il de la Rome « moderne » qu’il arpente ? Justifiez. (Vous pouvez pour cela vous appuyer sur l’étude du texte précédent, Rutebeuf). A quelle allégorie a-t-il recours dans la 3ème strophe ? A quoi fait-il référence à votre avis ?

 

 

La Rome « moderne », c’est-à-dire celle du XVIème siècle ici, est évoquée dans les trois premières strophes. Dans la première, on observe, comme chez Rutebeuf, la personnification des vices : « orgueil », « vice déguisé », « superbe appareil »… (superbe est ici à prendre dans son sens d’origine : fier, arrogant ; l’appareil, c’est l’allure, le cortège, la tenue). Ces termes sont péjoratifs, et les adjectifs « déguisé », « étrange » suggèrent une cour hypocrite. A noter qu’aucune personne n’est vraiment mentionnée, seulement les « rouges habits » (désignant les Cardinaux). De façon indirecte, il dénonce donc le comportement des représentants de l’Eglise, qu’il dépeint comme corrompue par l’orgueil et le pouvoir.

 

La deuxième strophe s’attaque aux représentants des finances. Il utilise là aussi des termes très forts : « usure », « bannie », « lamentable » ; il oppose également les adjectifs « riches » et « pauvres », associés à deux régions : les Florentins (de Florence, riches marchands devenus les banquiers de l’Europe – la famille de Médicis) et les Siennois (ville d’artistes, mais qui sera annexée à Florence). Il dénonce le profit fait par ceux qui ont de l’argent et s’enrichissent de la misère des autres : l’usure incarne plusieurs vices à la fois, notamment l’avarice.

 

La troisième strophe, plus courte, le champ lexical change et l’on trouve Vénus et les « appas amoureux ». Cela pourrait sembler positif… En effet Vénus est l’allégorie de l’amour dans la mythologie romaine. Mais les termes employés pour évoquer cet amour sont également péjoratifs : « la grande bande lascive » évoque la luxure (un autre vice) ; cette expression suggère un nombre important de personnes, tout comme le nombre « mille » au vers suivant et le CC de lieu « de tous côtés ». Il évoque donc les quartiers dépravés dédiés notamment à la prostitution et à la débauche.

 

C’est donc une description particulièrement amère qu’il dresse de la Rome moderne, qui est sensée régner sur le monde (le Pape) mais où tous les vices sont réunis, et où il n’y a pas de place pour le bien.

 

rome - courtisane - Cranach

 

 

  1. En quoi la dernière strophe s’oppose-t-elle aux précédentes ? Quel sentiment se dégage de cette fin ? Que peut-elle signifier à votre avis ?

 

 

La dernière strophe tranche avec les précédentes, et en particulier le dernier vers. Cela n’a rien de surprenant car c’est aussi l’une des caractéristiques du genre du sonnet : la fin doit apporter une idée nouvelle, et même si possible surprendre.

 

En quoi celle-ci tranche-t-elle ? Il y oppose la « Rome neuve » à la « vieille Rome », en marquant une certaine accélération grâce à l’enjambement (il n’y a pas de signe de ponctuation à la fin du vers 12). Il faut attendre le vers 14 pour savoir comment il perçoit la vieille ville, mais elle est précédée par une négation restrictive « ne [...] que » qui s’oppose aux énumérations des strophes précédentes. Là, pas de vice, pas d’humains non plus : juste « un grand monceau pierreux » provenant « de vieux monuments ». L’inversion du CDN et du GN permet de retarder le mot important, « monceau pierreux ».

 

Comment interpréter cette fin ? Les quartiers antiques de Rome témoignent de la grandeur de Rome autrefois, du temps de l’empire romain. Outre l’opposition passé – présent, on peut aussi y lire une opposition entre le bien et le mal, entre la vie et la mort. Mais surtout : malgré sa grandeur, l’empire romain s’est effondré et tout ce qu’elle était est réduit en poussière et tas de pierres. Par comparaison, il invite le lecteur à penser que la Rome nouvelle connaîtra le même sort, et que nul ne peut échapper à son destin et à la mort. Toute orgueilleuse, toute puissante que soit la Rome de la Renaissance, elle aussi est vouée à être un jour réduite en ruines. Cette fin est donc en quelque sorte une leçon d’humilité.

 

 

Pour aller plus loin, je vous invite à lire les fiches du manuel sur La Pléiade p.84 et 525.

 

Rome_le_Forum

 


 

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20/04/2022
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